On sait depuis des lustres que la formule de Poésies II n'est pas de Lautréamont mais d'Isidore Ducasse et qu'elle n'a de sens que lue dans son contexte:
«Les phénomènes de l'âme apaisent les sens, leur font des impressions que je ne garantis pas fâcheuses. Ils ne mentent pas. Ils ne se trompent pas à l'envie.
La poésie doit être faite par tous. Non par un. Pauvre Hugo ! Pauvre Racine ! Pauvre Coppée ! Pauvre Corneille ! Pauvre Boileau ! Pauvre Scarron ! Tics, tics, et tics.»
Quelle ironie que d'avoir ainsi malgré lui donné le jour à un des tics les plus tenaces de l'idéologie poétique moderniste (fort respectable par ailleurs) en devenant une sorte d'icône hyper-démocratique! Mais les tics sont comme les poux de Maldoror: une engeance proliférante que rien ne peut endiguer.
Voilà donc une fois de plus Ducasse en héraut pour tous et la poésie faite par tous, avec les meilleures intentions.
Faut-il déplorer que Céline Pardo en rajoute une couche dans son (très bon) article de La vie des Idées en attribuant la formule à Lautréamont, ce que ne fait pas Olivier Belin?
C'est encore Ducasse (et non Lautréamont) qui nous incite à ne pas céder à la résignation :
« L'existence des tics étant constatée, que l'on ne s'étonne pas de voir les mêmes mots revenir plus souvent qu'à leur tour...»