3/21/2024

François Sureau et Lautréamont


F. Sureau est un homme de lettres au sens le plus raffiné, comme il n'y en a pas beaucoup, pour qui la littérature est le lieu de rencontre de toutes les complexités humaines. La richesse et l'intensité de ses lectures sont en évidence dans L'Or du Temps (Gallimard, 2020) qui vient de paraître en Folio. Lautréamont y est une figure tutélaire dès les premières pages, défendue contre tous les affadissements, sous l'invocation d'une oeuvre du peintre Abram Bagramko datée de 1938, dont on comprend vite qu'il s'agit d'un double fictionnel de l'auteur. La Seine, fil conducteur de ce qui est une mosaïque d'essais composant un quasi-roman, c'est la littérature, mince fleuve de temps mais où tout trouve son origine et sa fin.


3/17/2024

La Fulgore porte-lanterne


La moindre déviation du cours normal de la langue suscite chez les lecteurs de Lautréamont, on le sait, de frénétiques interrogations. 
Ainsi s'est-on beaucoup étonné de lire ceci dans le Chant V, au milieu de l'histoire de Réginald et Elsseneur:

 «Le vol de la fulgore porte-lanterne, le craquement des herbes sèches, les hurlements intermittents de quelque loup lointain accompagnaient l'obscurité de notre marche incertaine, à travers la campagne. Quels étaient donc tes valables motifs pour fuir les ruches humaines? Je me posais cette question avec un certain trouble; mes jambes d'ailleurs commençaient à me refuser un service trop longtemps prolongé. Nous atteignîmes enfin la lisière d'un bois épais, dont les arbres étaient entrelacés entre eux par un fouillis de hautes lianes inextricables, de plantes parasites, et de cactus à épines monstrueuses».  

Le nom de cet étrange insecte, appartenant à une espèce d' hémiptères de la famille des Fulgoridae, n'est-il pas officiellement masculin? 
Une note sur ce sujet dans ce même blog, en janvier 2008, révélait déjà de la part d'Alain Selle-Lapierre (transparent pseudonyme de Jean-Pierre Lassalle) «une lecture probable par Ducasse d'un ouvrage de Félix-Archimède Pouchet, L'Univers, les infiniment grands et les infiniment petits (1865)». 
Ajoutons à ce brûlant dossier de nouvelles lumières (c'est le cas de le dire). 
Un article d'un certain Jules Talbert publié aux pages 186-188 du Moniteur de la Jeunesse. Journal de la famille illustré, volume 1865-1866, s'intitule sans ambiguité LA FULGORE PORTE-LANTERNE. Cet article cite lui-même longuement (sans donner sa source) un récit curieusement maldororien. 
Ducasse s'intéressait beaucoup à la jeunesse, on le sait également. Faut-il le supposer dès lors lecteur de ce Moniteur?