1/17/2023

«Beau comme Les Chants de Maldoror»

Pascal Durand, l'un des meilleurs connaisseurs et commentateurs des poètes et des poétiques du XIXe s., reprend dans son nouveau livre la contribution qu'il avait apportée au sixième Colloque international Lautréamont (Éditions du Lérot, 2003). Ducasse n'est pas, dans cette traversée du siècle, qu'un chapitre de plus: il y est de fait omniprésent (c'est aussi un effet de ses diverses façons d'être absent de son temps et présent dans le nôtre), au même titre que Hugo, Leconte de Lisle ou Mallarmé. Plus central au fond dans sa façon d'être énigmatiquement à côté, et contre, tout contre. Le parcours érudit que propose Pascal Durand, émaillé de close readings, tissé de références savantes mais toujours personnel, est en lui-même bien plus qu'un essai d'histoire littéraire qui raconterait une fois de plus les étapes de la modernité en poésie. Il s'agit aussi d'un mélange de déploration et d'espérance désabusée, cherchant à comprendre les impasses comme les complicités aléatoires entre des poètes, tantôt seuls et tantôt groupés, et une société égarée entre des croyances et des pratiques contradictoires. Un siècle en perpétuelle auto-déconstruction: c'est en cela, parce qu'elle l'exhibe avec une acuité sans égale, que l'oeuvre impossible de Ducasse touche au coeur douloureux d'une littérature éclatée, aujourd'hui vaste nécropole scolaire où ne survivraient paradoxalement, avec une énergie intacte, que Maldoror et Poésies.