5/04/2007

Une mystérieuse édition originale


La Librairie Pierre Saunier («Livres en bon état ou en état déplorable. Prix modérés ou excessifs», 22 rue de Savoie, 75006 Paris) présentait au récent Salon du Livre Ancien (Grand Palais, 26-29 avril)un très mystérieux exemplaire de l'édition originale des Chants de 1874. Mis en vente pour 6 500 €, l'ouvrage était accompagné des commentaires suivants:
«Édition originale recouverte à l'époque d'une chemise en papier sur laquelle sont calligraphiés: à l'encre noire le nom de l'auteur, le titre de l'ouvrage - au crayon noir l'indication: 1ère édition très rare - et enfin, au crayon bleu la mention : prêté à L. Bloy en 1890.
Avant la réédition des Chants de Maldoror en 1891 par Léon Genonceaux, peu de personnes connaissent l'existence de l'œuvre d'Isidore Ducasse. Ce sont les poètes de la Jeune Belgique, Iwan Gilkin, Albert Giraud, Jules Destrée, Valère Gille, Georges Eekhoud, Max Waller, qui découvrent le livre en 1885 et tout le stock de l'édition originale de 1869 cédé naguère par son éditeur Louis Lacroix au libraire bruxellois Rozez qui, comme son prédécesseur, renonça à diffuser l'ouvrage malgré une couverture et un titre renouvelés. Eblouis par la lecture de ce livre hors du commun, les Jeune Belgique s'empressent aussitôt de le faire connaître à des amis français. Jules Destrée envoie un exemplaire à Huysmans, Max Waller fait de même pour Péladan et Léon Bloy avec lesquels il correspond. Estomaqué à son tour, Bloy évoquera Les Chants de Maldoror l'année suivante dans Le Désespéré - la première mention en France de cette œuvre singulière - et publiera également, dans le numéro du 1" septembre 1890 de La Plume, le tout premier
article consacré à Lautréamont intitulé «Le Cabanon de Prométhée». A ce titre, Bloy est un des premiers « inventeurs » de Lautréamont sur la scène littéraire française. Pour cela, l'indication de son nom sur la chemise protectrice de l'exemplaire que nous proposons, rend celui-ci particulièrement précieux.
L'écriture à l'encre noire de la chemise ressemble à l'écriture de Léon Bloy - on ne peut pas en dire autant des quelques mots griffonnés au crayon bleu dont le sens laisse perplexe.. . tout comme laisse perplexe aussi la date de 1890 qui fait seulement écho à l'année de publication du Cabanon. Est-il encore possible qu'il s'agisse de l'exemplaire que Max Waller envoya à Léon Bloy? Ce dernier se serait-il séparé de cet exemplaire entre 1885 et 1890 pour se faire prêter celui-ci ? Par qui ? Sinon par une personne connaissant déjà l'existence des Chants avant la publicité faite par leur réédition de 1891... Et dans quel but d'ailleurs? Sinon toujours cette histoire de cabanon...
Assez bel exemplaire broché, tel que paru, tel que lu. et parfaitement bien protégé depuis.»
Ce curieux exemplaire a maintenant rejoint les collections de la Bibliothèque Ludlow Santo Domingo à Thônex, chemin du Foron 16, CH-660-0360007-2, dont l'acronyme (L.S.D.) souligne la spécialisation dans les phénomènes psychiques atypiques.
Photo: librairie Lecointre Drouet