4/25/2025

Des nouvelles de Latréaumont (bis)



MORET JEAN-MARC
Eugène Sue, dans la Préface de Latréaumont, dit « qu’il n’existe rien de fixe en mal ou en bien ». Lautréamont, dans les Chants de Maldoror, se demandant si bien et mal sont deux choses différentes, répond : « Que ce soit plutôt une même chose ! » Ce livre montre, à l’inverse, qu’Eugène Sue et Lautréamont, aussi différents l’un de l’autre qu’il est possible, mais d’un talent incomparable l’un et l’autre, illustrent admirablement ce qu’affirmait Platon dans le Phédon : « En toutes choses, les extrêmes sont rares et peu nombreux, alors que les choses communes abondent et sont en grand nombre ».

Fouilleur passionné, Jean-Marc Moret, a ouvert deux chantiers archéologiques, à Ostie et à Garaguso (Basilicata), où avait été découvert le célèbre tempietto en marbre de Paros. Refusant la voie facile des spécialisations, il s’est toujours ingénié à mettre en évidence les liens existant entre les divers domaines de l’art et de la science. Des études poussées de piano, qui nécessitent aussi la capacité de repérer thèmes et motifs dans les partitions musicales, notamment les fugues à plusieurs voix, lui permettent de détecter les relations d’intertextualité, d’interpicturalité et d’intermédialité. Walter Pater déjà l’avait relevé : « tout art aspire constamment à la condition de musique ». Les ouvrages de Jean-Marc Moret embrassent l’archéologie, l’iconographie, la littérature et la musique, celle-ci comme outil d’analyse des différents langages : une « trinité grandiose » en termes maldororiens.

Les amateurs aux ressources un peu limitées pourront préférer s'offrir ce Lautréamont et son double pour seulement 45€, contre les 75€ exigés pour le seul Latréaumont chez le même éditeur, et avec peut-être des chances plus élevées de trouver des Lautréamont pour des Latréaumont (et réciproquement) que dans le roman réédité.

Des nouvelles de Latréaumont


Texte intégral publié par et avec une présentation de Jean-Pierre Galvan

SUE EUGÈNE
En 1837, suite à sa ruine financière, Eugène Sue doit revenir au roman qu’il a abandonné quatre ans plus tôt pour se consacrer à son Histoire de la marine. Écrivain dilettante, il doit à présent gagner sa vie de sa plume. Latréaumont inaugure cette carrière d’écrivain professionnel. Le roman ne fut pas publié en feuilleton, son succès en librairie revêt donc une importance capitale. À la lecture des documents nécessités par son Histoire de la marine, Eugène Sue s’est fait une idée très négative du « Grand Roi ». Il sait que le portrait malveillant qu’il en brosse dans son roman va soulever des polémiques dans la presse comme dans les salons aristocratiques dans lesquels il est reçu. Ouvrage plus historique que romanesque, Latréaumont relate le complot ourdi en 1674 par Gilles Duhamel de Latréaumont et le chevalier de Rohan pour renverser Louis XIV. Pour ce premier roman historique, Eugène Sue met le romanesque au service de l’Histoire : exceptées quelques silhouettes, Latréaumont est en effet un roman dépourvu de personnages fictifs. Les péripéties y sont historiquement justifiées par de longues notes de bas de page et complétées par des pièces justificatives en fin de volume. Cette conception du roman historique, déjà présente dans l’Histoire de la marine, sera diversement appréciée. Eugène Sue fait preuve dans Latréaumont d’une hostilité à l’encontre de Louis XIV qui s’intensifiera bientôt dans Jean Cavalier, roman historique traitant de la révolte des camisards.

Jean-Pierre Galvan est spécialiste de la vie et de l’œuvre d’Eugène Sue. Il a publié, chez Honoré Champion en cinq volumes sa correspondance générale (2010-2023) et, en deux tomes, celle reçue lors de la publication en feuilleton des Mystères de Paris (L’Harmattan, 1998). On lui doit aussi la réédition d’Aventures d’Hercule Hardi (L’Harmattan, 2020) ainsi que l’édition du manuscrit d’une version inédite des premiers chapitres des Mystères de Paris, sous le titre Eugène Sue et ses « Mystères » (Encrage, 2018). Depuis le début de l’année 2024, il s’occupe de la réédition aux éditions Honoré Champion, des principaux romans méconnus d’Eugène Sue.

Le concours est ouvert pour repérer le nombre de fois où Latréaumont sera devenu Lautréamont dans cette savante réédition.
Droit d'entrée: 75€ à acquitter chez Honoré Champion.



4/04/2025

De Maldoror à Maldorora

  • « L’Amérique latine a produit de grands poètes de langue française », écrivait Aragon en 1936. Ce livre veut le rappeler : déployant une histoire qui mène de Lautréamont et de Laforgue jusqu’à des poètes et des poétesses contemporaines, il revisite surtout la période des avant-gardes de la première moitié du xxe siècle. Dans une perspective d’histoire littéraire, il remet au premier plan les trajectoires de Jules Supervielle et de Robert Ganzo, mais aussi celles de poètes translingues comme l’Équatorien Alfredo Gangotena, le Chilien Vicente Huidobro, le surréaliste péruvien César Moro, l’Argentine Gloria Alcorta ou encore le moderniste brésilien Sérgio Milliet. Autant d’écrivains qui, temporairement ou durablement, ont choisi le français comme langue d’expérimentation poétique – pour des raisons tout à la fois culturelles, affectives, politiques et esthétiques.

  • Longtemps marginalisés par la critique en France, tous ces poètes ont participé de manière originale aux grandes aventures de la poésie moderne. Séjournant dans le Paris cosmopolite des Années folles, ils ont été reconnus par les principaux écrivains de leur temps – par Artaud, Breton, Cendrars, Jacob, Larbaud, Michaux, Perse ou encore Reverdy. Tous ces parcours permettent ainsi de ré-explorer la modernité poétique à une échelle transatlantique, et surtout de mesurer ce que toutes ces œuvres singulières auront pu faire au poème de langue française."